Management : le débat se poursuit

Publié le par ugict-cgt cg94

 

La première contribution parue dans le n°3 d’ICT Cg94 n’a pas manqué de susciter le débat : certains on trouvé exagéré le propos d’autres au contraire ont acquiescé. Question de point de vue, la réalité est diverse. Et le sujet est loin d’être épuisé ! Ci-dessous une nouvelle contribution, et les propositions de l’UGICT.

 

Crise de la gouvernance

La crise mondiale du capitalisme ne vient pas que des choix des grandes banques, elle vient aussi des choix de gestion des États, des collectivités et des modes de management des entreprises privées et publiques dont elle renforce le caractère brutal et utilitariste. La crise de la gouvernance traverse toute la société et donc le monde du travail. Le Wall Street management a fait son entrée dans la Fonction publique comme moyen d’économie, d‘efficience et de baisse du coût du travail. Les salariés sont devenus une variable d’ajustement. La finalité de la fonction publique et du service public est niée au nom d’une pseudo-rationalité managériale et de sa vision comptable. Réorganisations, suppressions de missions et redéploiement d’effectifs, externalisations et privatisations sont autant de remises en cause du service public, « modernisation » oblige.

 

Accroissement du mal-être

La crise du capitalisme est d’abord une crise du crédit. La confiance nécessaire à l’économie a laissé place à la défiance. Nous constatons la même logique dans les entreprises et les administrations  où les relations de travail se tendent jusqu’au conflit. Le management par la peur, au cœur de la gouvernance des entreprises et des administrations, ne produit que du mal-être. La souffrance au travail, la précarisation psychique, l’épuisement professionnel ou burn-out, provoqués par la violence contre l’emploi qualifié, les sanctions-placardisations, ou la« mobilité imposée », mènent à la décompensation, la consommation de psychotropes (extrêmement courante), jusqu’au suicide. (heureusement encore rare dans les collectivités).  Le lien est aujourd’hui clairement établi entre la généralisation des symptômes du mal-être au travail pouvant aboutir à des drames humains et le management au cœur de la gouvernance des entreprises et des administrations. En dépit des bonnes intentions affichées -le bien-être au travail est devenu un thème porteur pour les employeurs publics - et malgré les obligations de résultats faites aux collectivités en matière de santé et de risques psycho-sociaux, le mal-être au travail s’accroît.

 

Se soumettre ou se démettre

Ainsi pour atteindre des objectifs de baisse des coûts les employeurs publics ont adopté un management coercitif et autoritaire. Mais ce n’est pas tout !Ce management coercitif et autoritaire cherche à imposer sa morale à sens unique, prônant les valeurs de « loyauté », faisant du travail un enjeu personnel exigeant un engagement total dans une dépendance unilatérale à un employeur. Un cadre doit se soumettre ou se démettre. Il n’y a plus de place pour la critique, ce que pense l’encadrement n’intéresse personne.

Le salarié mis en concurrence doit faire mieux que les autres et démontrer sa supériorité, faire toujours plus avec toujours moins, atteindre des objectifs toujours plus élevés mais dans quel but ?

Ne pas être le maillon faible, celui qui est en trop. Langage d’autant mieux entendu que nos collègues jeunes cadres débutent souvent comme non titulaires.

L’outil privilégié de ce management par le stress est l’entretien professionnel individuel annuel où sont évalués les résultats et la manière de servir (serviteur !), autrement dit le mérite. Toute difficulté ou dysfonctionnement peut-être imputé à l’agent sensé partager les objectifs fixés le plus souvent sans concertation, et sans négociation des moyens.

De même les « nouvelles technologies » si elles permettent des gains d’efficacité et de temps, sont aussi utilisées pour contrôler et ont augmenté la charge et l’intensité du travail, contribuant à l’isolement de chacun. La réactivité, l’immédiateté sont la règle, souvent au détriment de la réflexion. (Ne parlons pas d’une réflexion collective !).

 

Les limites d’un système

Le management de la performance prive le travail de sens global. L’individualisation croissante conduit à la destruction du collectif de travail et des solidarités.

La place et le rôle de l’encadrement sont remis en question. Les cadres dirigeants et les managers, supposés adhérer au projet de la collectivité, court-circuités sur les choix de gestion, sont relégués au rang d’exécutants aux responsabilités étendues dont ils deviennent justiciables. Les salariés de haute technicité voient leur expertise niée face au «tout gestion». L’autorité des cadres dirigeants, managers et experts est délégitimée.

Le management de la performance, qui a atteint les limites de son efficacité économique, est un non sens pour le service public qu’il sclérose et les employeurs qui y perdront à terme l’indispensable « bonne volonté » de leurs agents.

 

Placer l’humain au coeur

La crise de la gouvernance appelle une étape qualitative et quantitative dans la démocratie. Le contrat social, l’organisation de la prise de décision sont à renégocier. Il faut inscrire le service public dans la réalité sociale et environnementale, et placer l’humain au coeur. Transformer le management actuel en nous appuyant sur notre culture de service public, conquérir des droits individuels garantis collectivement dans l’exercice de nos responsabilités, est la démarche syndicale offensive que veut promouvoir l’UGICT.

Pour remplir sa mission au service des populations le service public doit associer les agents qui en ont la charge et particulièrement les ICT. Il faut :

-restaurer le rôle contributif des cadres à travers un droit de propositions alternatives, et promouvoir la créativité et l’innovation.

-remettre à plat les outils managériaux,

-favoriser la définition collective des indicateurs de gestion et d’évaluation des politiques publiques, ainsi que l’évaluation collective du travail,

-redéfinir les contrats d’objectifs à partir des missions de services publics,

-revaloriser l’expertise et la technicité et reconnaître les qualifications,

-assurer la cohérence des missions en confortant et en rénovant un statut des personnels garant de leur indépendance, de la reconnaissance de leur métier de leurs compétences et de leur professionnalisme.

Construire un management alternatif suppose de rompre avec la partition actuelle des rôles : aux élus la décision, à l’administration la direction, aux syndicats le social et la gestion des conséquences. Il nous faut réarticuler ces dimensions, casser les schémas. Cela suppose d’intervenir notamment sur les questions stratégiques et budgétaires.

 

 

Publié dans Journal ICT Cg94

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